Pourquoi avons-nous peur ?

Fons

Message de Noël d’Alphonse Borras, notre aumônier

Le scoutisme est un mouvement éducatif. Et le vecteur de toute éducation, c’est bel et bien la confiance, la confiance donnée et reçue, la confiance partagée. De la part des « éducateurs » vers les « éduqués », et vice versa, mais aussi entre « éduqués », et finalement entre tous.

Au moment de vous adresser une petite réflexion en guise de vœux de Noël et pour l’année nouvelle, je reviens que sur ce qui, en janvier dernier, a marqué notre province. C’était la neutralisation à Verviers de terroristes dont les services de sécurité avaient toutes les raisons de croire qu’ils allaient commettre un attentat. Les attentats de Paris en janvier et récemment en novembre ont eu une incidence dans notre pays. Pour beaucoup de nos concitoyens et plus largement dans nos sociétés occidentales, un étrange sentiment d’insécurité s’est installé avec la peur qu’il exprime et à la fois suscite, déterminant chez certains une psychose. Beaucoup de nos contemporains – et peut-être nous-mêmes – ont peur.

A y regarder de plus près, beaucoup de questions ou de problèmes, dans la société – et même dans l’Eglise – semblent préoccupants, inquiétants, angoissants. Pour ne citer que ce qui vient de se clôturer avec la COP21, c’est l’utilisation des énergies, le respect de l’environnement, la préservation de notre planète qui inquiètent. Et ces peurs tournent autour de l’avenir de l’être humain et de notre culture. Nous sommes dans un monde avec énormément d’incertitude en lien avec plusieurs facteurs : la situation au Moyen-Orient, l’islamisme et ses ravages, les mouvements migratoires, les barbaries nouvelles, les replis identitaires, la peur du chômage de masse, la précarisation des moyens de subsistance, la dislocation de la société posent la question du renouvellement du lien social.

La question n’est pas « faut-il avoir peur ? », mais « pourquoi avons-nous peur ? ». Il y a tout au long de l’histoire du peuple de la Bible comme une ritournelle qui, dans des circonstances certes différentes, ne cesse de dire : « n’ayez pas peur ! », que ce soit dans tous les récits de vocation – qui à chaque coup sont des récits d’aventure – comme plus précisément lors de résurrection devant l’énigme du tombeau vide (par ex. Mc 16,6).

« N’ayez pas peur ! », tels sont les propos du Ressuscité. Et on se souviendra de ce qui fut un « maître-mot » dans le pontificat de Jean-Paul II, dès sa première messe comme pape, le 28 octobre 1978 : « n’ayez pas peur ! ». Ces paroles avaient une résonnance particulière car elles évoquaient l’impératif devoir de résistance face au régime communiste. Pour Jean-Paul II, il ne s’agissait pas d’ignorer la peur, mais de la surmonter. Les catholiques ont des peurs aussi bien que leurs contemporains, – la consolation de l’au-delà est plus que jamais une fanfaronnade ridicule – mais il faut les assumer et les surmonter.
Personne ne peut dire de quoi l’avenir sera fait ; et le laisser croire serait une grossière illusion. Mais pareillement se laisser aller à la peur est une désolante démission. Les attentes parfois excessives pour savoir ce qui nous attend demain m’interrogent et m’interpellent sur notre potentiel de confiance… confiance en l’avenir, confiance en Dieu, confiance en soi.

Surmonter la peur face aux bouleversements actuels, c’est d’abord échapper au catastrophisme, c’est en tout cas se protéger de la défiance en soi, et en définitive de la méfiance. Une philosophe contemporaine comme Chantal Delsol nous dit que « la confiance en l’avenir est disponibilité devant l’inattendu ». Le peuple de la Bible que nous sommes aurait-il oublié les paroles de son Dieu : « ne crains pas, moi, je viens à ton aide, pauvre mortel » (Is 41,13) ?

Dans notre culture, y compris la foi chrétienne, comme d’ailleurs dans la dynamique éducative du scoutisme, nous avons des ressources insoupçonnées… L’être humain « confiant », écrit encore Chantal Delsol, « ne compte pas que tout ira bien, mais que lui-même sera capable d’affronter les événements sans se noyer, et de répondre même au pire ». Je crois qu’elle a profondément raison quand elle écrit que « le déploiement de la peur signe la crainte de soi ». N’est-ce pas en définitive de nous-mêmes que nous aurions peur ? Et si cela était vrai, est-ce que cela ne voudrait pas dire que nous ne voulons plus courir aucun risque ? Peut-être avons-nous peur, non pas parce que l’avenir est incertain, mais parce que nous ne supportons plus les risques de la vie…?

Peut-être nous faut-il redevenir des aventuriers de l’existence… comme Marie, comme Joseph, comme Jésus. Ne serait-ce pas là l’espérance de Noël ? Elle nous provoque au courage d’être. Elle ne supprime pas le tragique de l’existence. Elle ne nous dispense pas d’assumer notre humanité. L’enfant de la crèche sera le crucifié du Golgotha.
C’est ce que je souhaite aux baladins, louveteaux, scouts et pios de la 11e Légia ainsi qu’à leurs animateurs. C’est bien là l’espérance de Noël que nous avons à nous partager pour continuer à œuvrer dans la confiance, à être des semeurs de confiance ! Merci aux parents pour leur confiance en nous, merci aux animateurs et aux… animés. N’est-ce pas ainsi, animateurs et animés, que nous pourrons devenir des aventuriers de l’existence ?

Alphonse Borras, Chevêche, aumônier 11e Légia

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